Un lieu chargé d'histoire
Le Château de Saint-Maclou-la-Campagne, fut le théâtre d’une histoire dramatique, récemment mise à jour grâce à de rares documents datant du XVIIIe siècle découverts au Ministère des Affaires Etrangères, au Quai d’Orsay.
Au XVIIIe siècle, à la fin du règne de Louis XV, le famille de Giberville possédait d’immenses propriétés en Normandie. Le Château de Saint-Maclou en était le joyau, au cœur de 550 hectares de terre. En 1770, Monsieur de Giberville, âgé de 30 ans, mouru soudainement, laissant derrière lui une veuve et cinq enfants en bas-âge.
C’est alors qu’apparaît un certain Chevalier de Loyse, ancien ingénieur dans l’armée de Frédéric Le Grand, qui vit les avantages qu’il pouvait tirer de la situation. S’il épousait la veuve, se débarrassait des enfants et même ensuite de leur mère, il serait à la tête d’une immense fortune. Il épousa donc Madame de Giberville, dont il eut un fils, dont il espérait faire l’unique héritier de la fortune des Giberville.
Le mariage eu lieu en 1772 et aussitôt de Loyse mis son plan en œuvre pour se débarrasser des enfants Giberville. Edouard et son frère furent placés en tant qu’apprentis à bord de deux vaisseaux marchands anglais faisant la navette entre l’Allemagne et Hull. La fille, Henriette, fut envoyée pur travailler dans une ferme à Altona, alors que les deux plus jeunes garçons furent placés dans un foyer où ils périrent rapidement.
En arrivant à Londres, Edouard fut recueilli par un certain Capitaine Jackson et embarqua à bord de son navire en partance pour Saint-Pétersbourg. Là-bas il devint apprenti chez le frère du Capitaine, marchand de vin. Il dévoila, au fils du temps, son histoire, au grand étonnement du marchand et de sa famille. Monsieur Jackson contacta le Comte de Nicolay, ambassadeur du roi de France en Russie, lui présenta l’histoire d’Edouard qui ordonna qu’une enquête soit menée pour mettre au jour la vérité sur l’héritage de la famille de Giberville.
Pendant ce temps, la fille aînée, Henriette, s’échappa de la ferme où elle avait été placée et, grâce à l’aide de Monsieur de Nicolay, elle se mit en route pour la Russie afin de rejoindre son frère. L’Ambassadeur présenta es enfant à Catherine, Impératrice de Russie, touchée par leur histoire, elle leur concéda une bourse afin qu’il reçoive une éducation. Il furent logé par le Grand Duc Paul, le fils de Catherine.
Deux ans plus tard, Edouard revint en France et grâce à l’argent de l’Impératrice engagea un procès à l’encontre de son beau-père et sa mère afin de récupérer l’héritage usurpé. Il gagna le procès et récupéra toutes les possessions qui lui avaient été volées.
La fortune familiale intacte, Edouard fit plusieurs voyages d’affaires couronnés de succès en Russie et resta en contact avec la cour Impériale. Il décida d’agrandir le Château de Saint-Maclou et de le rendre digne de Catherine le Grande lors de sa prochaine visite en France. Il fit planter des allées de tilleus de plus de 1000 mètres de long, fit creuser un bassin et planifia deux ailes pour le Château. Il fit également refaire la grande salle à manger afin qu’elle soit digne de recevoir l’Impératrice.
Cependant la chance ne tarda pas à tourner. Edouard dilapida tout son argent sur ses grands projets. L’Impératrice outrée par les excès de la Révolution Française, refusa de venir en France. Les Giberville furent ruinés par l’extravagance d’Edouard et ayant vendu pratiquement tout ses biens, il fut arrêté en 1794 à Saint-Maclou par des révolutionnaires de Caen. Emmené à Paris, emprisonné, il fut guillotiné le 7 juillet 1794, quelques jours seulement avant la fin de la Terreur.
En 1797, sa fille, la Vicomtesse de Lenthilac, demanda à ce que le Château soit rendu à la famille et comme elle n’avait pas émigré durant la révolution, elle pu récupérer le Château de Saint-Maclou.
Au milieu du XIXe siècle, le Château devint la propriété de la famille de Louis-Nicolas Vauquelin, chimiste de renom qui a inventé le chrome. Armand Vauquelin, son neveu, dépensa une fortune afin de construire les ailes qu’Edouard de Giberville avait imaginé. Ces ailles furent détruites à la fin du XXe siècle, dans les années 90, sous la supervision des Monuments Historiques, qui ont placé le Château à l’Inventaire Supplémentaire (ISMH).
Le Château fut occupé par les Prussiens en 1870 et à nouveau par les Allemands en 1944. On dit que c’est sous le sol du pigeonnier que les Allemands ont enterré leur butin. Personne ne l’a jamais découvert ! Après la guerre le Château abrita l’école car les allemands avaient fait sauter celle du village.
Dans les années 1990, la propriété fut acheté par Alan Clore, le fils du finanacier Charles Clore, qui la transforma en élevage de chevaux de course. Le Château en ruine fut sauvé par les Monuments Historiques, et avec l’aide des propriétaires successifs, Saint-Maclou-la-Campagne pu enfin retrouver sa grandeur passée.